Nous découvrons le talent de Philippe Tessier avec ce roman Morts publié par les Éditions Leha. Il n'en est cependant pas à ses débuts et cela se sent. Nous voilà en présence d'un auteur qui a travaillé aussi bien le fond que la forme. C'est à dire qu'au delà du plaisir que vous aurez de lire l'histoire de Joseph et tous ses compagnons squelettes, vous pourrez vous délecter de la qualité du style de Philippe Tessier.
Nous pourrions utiliser bon nombre de Punch Line pour décrire "Mort", du genre : incontournable, rafraîchissant, must have, unique, un plaisir etc.
Et les louanges ne vont pas manquer pour ce roman qui est avant tout la promesses de quelques heures de bonheur.

Le pitch est très simple, il ne faut pas s'y arrêter. C'est une fois que vous entrez dans l'histoire que tout devient mille fois plus passionnant. Tout commence avec Joseph, qui se "réveille" alors qu'il a été embaumé. Ce n'est pas une erreur, que ce soit du réveil ou de l'embaumement. Joseph est bel et bien décédé, mais il s'est passé quelque chose sur Terre, qui fait que désormais les squelettes ont été réanimés. Qui ? Que ? Quoi ? Comment ? Et tout un tas d'autres questions tout aussi pertinentes que précises s'offrent alors à vous, comme à Joseph et à son cerveau, qui de façon assez surprenante fonctionne lui aussi. Mais comme les squelettes respirent la joie de vivre (si l'on peut dire), pourquoi un embaumé ?
Jospeh va dans un premier temps devoir s'acclimater à son nouvel état. Et une fois qu'il se sera accepté pour ce qu'il est, il pourra aller accomplir sa mission : servir d'émissaire. Car les squelettes eux aussi ont bien réfléchi à la situation. Ils sont actuellement sous terre et ne rêvent que d'une chose, rejoindre la surface pour y faire ami-ami avec les humains.
Vous vous doutez bien, que si une horde de squelettes débarque en ville, cela risque de mal se passer, même si cela arrivait le 31 octobre.
Les choses sont très simples, en théorie. Mais voilà, Joseph et ses compagnons sont sur Terre (à priori) et cela complique souvent les choses. Une chance, ces squelettes ne sont pas manchots. Vous avez droit au gratin de l'Humanité.
Joseph a été réanimé grâce à une potion concoctée par Marie C, qui a les os qui ont une drôle de couleur luminescente, en raison d'une forte exposition au radium. Le responsable en chef est le Grand Charles, il prend ses décisions en concertation avec Winston C, Abraham L. La technique est assurée par Léonard V, qui a par exemple mis au point un système de soufflet thoracique qui permet aux squelettes de parler. La décoration est laissée à Salvador D.
Voici un tour petit exemple des joyeux camarades (expression préférée de Karl M, lui aussi présent), qui vont soutenir Joseph tout au long des nombreux rebondissements de cette bien curieuse aventure.

Pour que cela soit intéressant, il faut du suspense, des échecs et de nouveaux espoirs. Vous aurez tout ça et bien plus.
Philippe Tessier a le secret pour jouer avec vous, avec vos références historiques, de cultures générales, de connaissance du genre, dans la littérature, le 7ème art etc. Vous l'avez déjà compris à la lecture des noms des différents protagonistes ci-dessus, l'auteur s'amuse. Il ne donnera jamais que la première lettre du nom de famille du personnage célèbre rencontré. À vous de faire le rapprochement, ce qui reste assez simple. Mais c'est un petit jeu bien agréable, tout au long de votre lecture. Vous pouvez rajouter quelques répliques de films au détour de dialogues. Et des effets visuels (oui dans un livre c'est possible), notamment quand l'interlocuteur de Joseph se met à parler en majuscule.
Ces petites astuces sont toujours très bien trouvées. Elles agrémentent l'histoire de références qui rajoutent du sens. La force de Philippe Tessier, c'est de ne jamais rajouter dans le catalogue, dans le cliché, dans le gratuit.
Vous pourriez lire le roman, sans rien comprendre aux références, cela fonctionnerait malgré tout. Car l'histoire est bonne, travaillée. Rien n'est laissé au hasard. Et quand vous avez des passages qui sont un peu trop évidents, comme l'expérience de Ambroise P. et Claude B., il réussit à pousser le bouchon si loin qu'il retombe sur ses pattes et continue sa propre intrigue au milieu d'un héritage littéraire et cinématographique très lourd à porter, mais qui lui sert de ballon d'hélium pour mieux arriver à ses fins.

Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas lu un roman aussi jouissif, un « Page Turner » que vous avez envie de savourer pendant des heures, qui ne parlent que de morts, mais pas de la Mort, bien au contraire. Ce sont toutes ces surprises qui vous laisseront le plus merveilleux des souvenirs une fois la dernière ligne achevée.

Xavier