Il s’avère difficile de qualifier le nouveau roman du binôme CAMUT et HUG, sorti chez Calmann-Levy début avril 2009, tant les références sont nombreuses et les situations variées. Pour ma part, j’opte pour les termes de thriller anthropologique et scientifique. Servi par un style efficace et soutenu, travaillé à quatre mains, le récit nous entraîne dans deux époques distinctes en un sombre lieu reclus de la forêt Amazonienne.



De nos jours, une jeune scientifique répertoriant des plantes découvre avec ses guides un sanctuaire de pierres à l’abandon. Le lieu lui paraît magique, quasi mystique avec ses habitants insolites, des petits singes frappés de mutisme, jusqu’à ce qu’elle aperçoive un gigantesque charnier. Surpris par des pluies diluviennes, la jeune femme et son équipe rebroussent chemin et se trouvent bientôt entraînés par les eaux d’un courant. Sauvée miraculeusement, Nina Scott ne souhaitera dorénavant plus qu’une chose : découvrir ce qu’il s’est passé dans ces ruines. Mais rien n’est simple dans la moiteur de la jungle vénézuélienne ; on y rencontre des chasseurs de diamants, des braconniers et des sortes de chamanes… Quand en plus on a des comptes à régler avec son géniteur, comme notre jeune héroïne, on peut parier que les embûches se présenteront en nombre.



Parallèlement à la progression de l’enquête de Nina, nous assistons à la mise en place d’une expédition scientifique de pointe après la seconde guerre mondiale. L’objet de l’étude : la glande pinéale hypertrophiée de certains saïmiris de la forêt équatoriale ou comment ces singes, d’habitude si bavards, ont mis en place un système très complexe de communication qui semble presque apparenté à de la télépathie ?



L’histoire se développe lentement, au gré des mésaventures contemporaines de Nina et de sa dépendance aux somnifères et autres psychotropes. Parallèlement, les auteurs détaillent tout le protocole des recherches aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale. Chaque personnage est soigneusement décrit, et son caractère passé au peigne au fin. Et tous les détails ayant leur importance, il vous faudra rester attentif pour pouvoir combler les chaînons manquant entre les recherches passées et le présent. Les descriptions des expériences peuvent être crues, avec leur rigueur scientifique et nous laisse un malaise certain à la lecture. Les scènes d’actions sont percutantes et très rentre dedans, savamment réparties dans le récit pour créer des rebondissements au bon moment. L’angoisse n’est pas constamment présente mais comme filée tout au long du livre. Tous les non dits trouvent les explications dans notre tête avant de se révéler devant nos yeux et pourtant nous ne voulons pas toujours y croire, tant certaines choses sont inacceptables. Les relations entre personnages sont particulièrement bien étudiées et notamment les réactions face à l’absence d’un parent. Les descriptions nous font voyager au-delà des océans, des bidonvilles sud-américains aux palaces 5 étoiles et jusqu’au plus profond de la forêt équatoriale. On s’y croirait.



Un roman très diversifié, bien écrit, percutant et érudit qui offre une réflexion sur l’éthique scientifique, sur les relations parent/enfant, sur la société de consommation et emmène le lecteur dans un voyage intemporel aux confins des mythes chamaniques. Un thriller original et bien mené de bout en bout.