L’opus 3 de l’Epée des Ombres débute par un prologue déroutant pour le lecteur, pressé de retrouver les jeunes héros du Cycle après leur semi-échec dans la Caverne de Glace Noire. Dès les premières pages, nous pensons apprendre ce qu’ils ont vécu depuis qu’Ash de la Marche, en se déchargeant de son pouvoir de Clé, a créé une fissure dans le Mur opaque d’où s’est échappée l’ombre armée d’une épée, entraperçue par Raif Ruptur. Oui, voici vraiment ce que nous aimerions découvrir au plus vite en ouvrant le livre…


Mais J.V. Jones choisit de nous plonger dans les entrailles de la terre, au cœur d’une galerie puante, soumise à une chaleur infernale, parmi les esclaves d’une mine de diamants. L’heure y est à la mutinerie. Craupe, géant simplet à la force herculéenne, s’évade après seize ans passés fers aux pieds. Nous le suivrons de loin en loin, poursuivant un unique but, rejoindre son ancien maître dont l’appel pressant lui parvient de très loin, par delà les souterraines murailles de la Tour Renversée.


La seconde partie du prologue nous ramène sur un terrain plus familier sinon plus clément. Le froid est âpre. La nuit glaciale. Elle sera impitoyable pour Meeda la vieille chasseresse Sull, mère de Celui-Qui-Dirige. En effet, malgré sa race « sorcière », son expérience, sa ruse et ses chiens, comment vaincre une ombre brandissant une lame noire ?


Une nouvelle ère s’annonce, lugubre.


Quand Ash et Raif réapparaissent, ils cheminent depuis sept jours en se fiant aux indices laissés à leur intention par leurs ex compagnons de route Sulls. Maintenant que leur quête est achevée, ils prennent conscience l’un de l’autre. Mais aussi d’eux-mêmes. Cela aboutit à une triste séparation en dépit de leur amour naissant.


Désormais, ce ne sont plus les éléments extérieurs qui dicteront à chacun sa conduite mais leur propre choix. Ash la maléfique se plie volontairement aux rites initiatiques qui la transformeront en une pure guerrière Sull. Raif le rebelle opte pour un destin de Mutilé au prix de douloureuses épreuves, acceptant enfin son nom de Mor Drakka, le Veilleur des morts.


Dans ce roman, tout est en suspens, en devenir.


Où est Angus Lok ? Quel sera le destin d’Effie, la sœur de Raif, dont Masse Grêle Noire veut la mort ? Le prochain chef de clan à abattre aura-t-il le visage charismatique de l’opportuniste bâtard Robbie Dhoone ? Penthero Iss contiendra-t-il les ambitions des prétendants à son titre ? Le faible cri du Ligaturé suffira-t-il à guider Craupe jusqu’à son lieu de torture ? Et pourquoi ?...


La guerre des clans ne faiblit pas. Les manœuvres d’intimidation de Penthero pour affermir son pouvoir non plus. Mais ce qui se trame est bien pire encore. L’ultime combat des Sulls verra-t-il leur victoire sur la redoutable armée des ombres maudites ? Raif Ruptur sera-t-il l’instrument de leur perte comme ils semblent le redouter, aussi invincibles soient-ils face aux hommes des clans ? Démentira-t-il cette malédiction en sauvant Ash, la Sull ?


J.V. Jones distille les informations d’un chapitre à l’autre sans nous livrer l’essentiel. Il s’agit d’un livre de transition. La survenue de nouveaux personnages, secondaires ou non, appâte la curiosité du lecteur. Les ombres de l’opaque, plus suggérées que décrites, forcent notre imagination à fantasmer sur leur potentiel horrifique. L’auteur a habilement mis en place ce qui va se jouer dans le tome 4. Nous avons les tenants, difficile de deviner les aboutissants. Mais une chose est certaine, quelle que soit la fin de l’aventure, nous nous souviendrons longtemps de ses protagonistes.