La saga de L’épée des Ombres se poursuit. Souvenez-vous : le 4ème opus se refermait sur le désespoir d’Angus Lok, le rôdeur, Phage membre de la confrérie de la Longue Veille chargée de monter la garde contre les seigneurs de la Fin. Ce 5ème de la série s’achève de même, mais sur une légère note d’espoir, alors qu’Angus n’apparaît pas ailleurs dans le corps du livre. Bien qu’absent, son personnage est une référence pour les héros, de plus en plus marginalisés par leurs quêtes respectives, qui se souviennent à contretemps de ses sages et mystérieuses recommandations.


Le lecteur a donc l’impression d’une longue mise entre parenthèses balisée par ces deux chapitres de fin. L’histoire est « suspendue ». On retient son souffle.


La précision époustouflante qu’apporte JV Jones au moindre détail donne un puissant relief aux aventures de chacun. On tremble pour Raif Ruptur, perdu dans le Vaste Manque, affaibli par la blessure infligée par le Shater Maer, et qui accepte une terrible mission : retrouver le lac de glace rouge « sang », à la frontière de 4 pays, pour y récupérer l’épée susceptible de vaincre les Eteints. Son long cheminement, au sortir de la Faille où il s’est proclamé roi des mutilés, est un calvaire glacé. On s’inquiète pour Ash de La Marche devenue guerrière Sull mais doutant toujours de ses pouvoirs, lorsqu’elle se retrouve seule puis mal accompagnée sur la piste inhumaine des bouleaux, à la recherche de Bourg d’Enfer, où elle espère être acceptée par ceux qui risquent de l’accueillir en Clef et non comme leur nouvelle « sœur de race ». On prend fait et cause pour Raina Grêlenoire aux prises avec la progressive et insidieuse domination Scarpe, obligée de ruser dans le labyrinthe des sous-sols de la maison ronde pour sauver ce qu’il reste de la pierre-guide, symbole de son clan… jusqu’à ce que revienne le Loup de Grêle… Loup ou Louve ? On accompagne la jeune « sorcière » Effie au fil de l’eau, en s’interrogeant sur sa destination finale alors qu’elle est retenue enchaînée sur le bateau de Morne Pierre et son père, hommes du Clan Gris, le clan des marais, le clan maudit ! On assiste à la confirmation de ce qu’on pressentait au tome précédent : le destin hors du commun réservé au discret Bram Cormac, un temps muselé par son redoutable demi-frère, le roi de Dhoone. Bram a le choix : guerrier, guide ou Phage… ?


Dans « La Forteresse de Glace Rouge » tous les personnages, des principaux aux secondaires, subissent une transformation en assumant un trait de caractère qu’ils ignoraient posséder et que les événements déclenchent. Ils en apparaissent plus forts, plus impitoyables, et parfois plus humains, comme Vaylo Bludd ou Marafice l’œil.


Pendant qu’à la Tour-Vanis les postulants au titre de Haut Seigneur s’entretuent, les Clans s’enfoncent dans la discorde et les trahisons meurtrières. Les Seigneurs de la Fin auront-ils le champ libre ? Le déferlement des Eteints sera-t-il contenu à la fois par la sagesse d’Ash, Clef de l’Opaque, et l’Epée miraculeuse de Raif, le Veilleur des Morts ?


Des questions qui laissent le lecteur frustré… Et pressé d’en connaître prochainement les réponses.


Un ouvrage flamboyant, donc, mais où l’impressionnante richesse et la minutie des descriptions, tant du décor que des gestes quotidiens, retardent trop les héros dans leurs dramatiques pérégrinations. Alors que l’histoire nous « magne », on ne peut la lire d’affilée, faute de rythme à force d’adjectifs, adverbes, substantifs accumulés pour des situations banales qui ne les nécessitent pas.


Reste que le monde créé par JV Jones est bien une projection « fantastique » à nulle autre comparable.