DeadTube, vol.1Année de sortie : 2016

Auteur : YAMAGUCHI M./KITAKAWA T.
Editeur : Delcourt



Collection : Delcourt/Tonkam Seinen
128 pages NB
Date de parution : 15 juin 2016
ISBN : 978-2-7560-7647-8

Vous connaissez tous les plateformes vidéos qui permettent à tout un chacun de diffuser ses films sur internet : DailyMotion, Video, YouTube etc...
Imaginez un autre genre de site, qui regroupe tout ce qui se fait de plus gore, de plus choquant et de plus réel. Il s’agit de DeadTube. Cette chaîne semble avoir ses propres règles de fonctionnement. Et s’y inscrire n’est pas sans conséquence.

Dans ce premier tome, nous ne connaîtrons rien de la charte signée par les utilisateurs (il faudra a priori attendre le 2ème volume pour en savoir un peu plus). Mais nous allons faire connaissance de quelques inscrits.
A commencer par la séduisante lycéenne Mai Mashiro, qui fait partie du club de natation. Elle vient de demander à Tomohiro Machiya, caméraman au club d’études cinématographiques, de la filmer 24h/24 ! Si cela surprend Tomohiro, il lui est impossible de résister à la demande de Mai. Après tout, cela l’entraînera à la technique du documentaire. Et le premier jour, tout se passe normalement. A aucun moment, Tomohiro ne peut s’attendre à ce qu’il va vivre par la suite. Si les premières scènes de toilette(s) annoncent le début du passage de l’autre côté du miroir, rien ne prépare au choc que vous subirez aux côtés de Tomohiro.
Sans vouloir vous en dévoiler d’avantage, je peux vous dire que Mai n’a peur de rien. Elle connaît ses atouts et n’hésite à aucun instant à s’en servir. Elle exerce des pressions psychologiques, ment, joue de son physique.
Si tout cela peut s’expliquer par un esprit pervers et dérangé, c’est un résumé trop simpliste. Il y a bien sur un côté malsain indéniable, mais derrière l’attitude de Mai, il semble exister une urgence, une pression qu’elle ne maîtrise pas. Comme si elle devait agir de la sorte. Ce qui lui plait, mais avec une forme de contrainte. C’est là que les contours de DeadTube commencent à se dessiner.

Qu’est ce que ce site demande réellement ? Qui est inscrit ? Qui filme ? Qui regarde ? Autant de questions qui se bousculeront dans votre tête tout au long de la lecture de ce premier volume.
Avec la plus importante, qui fera fonctionner votre imagination : que se passerait-il si un tel site internet existait pour de vrai avec un accès grand public (car sur le darknet, il doit bien y avoir des choses dans le genre) ?

La force de DeadTube réside dans le fait de vous proposer des images et des idées inacceptables sans que vous les rejetiez. L’idée même de DeadTube est insupportable pour le commun des mortels. Le mettre en scène et le dessiner est un art difficile. Mikoto Yamaguchi (Scumbag Loser, Friends Games) sait amener en douceur l’horreur la plus extrême. Avec une action qui monte crescendo, il sait jouer avec les climax. Ce qui est assez fort, c’est sa capacité à toujours faire monter la pression. Après les premiers événements, vous savez un peu à quoi vous attendre. Et pourtant, Mikoto Yamaguchi sait encore vous surprendre. Tel un prestidigitateur, il attire votre attention sur une piste, pour mieux vous prendre à revers.
Son scénario est d’autant plus percutant que le dessin de Touta Kitakawa (Sex Lover) est très fin.
Connu pour ses œuvres pour adultes, Touta Kitakawa sait mettre en valeur la plastique aussi généreuse qu’improbable de ces lycéennes plus ou moins perverses. Et dans le même temps, il est capable de leur donner beaucoup d’innocence. Il suffit de lire le passage où Sanagi Ôshima explique qu’elle est tombée amoureuse (page 120) pour baisser sa garde. Une telle intensité dans le regard, un choix des cadrages en gros plans sur son visage avec le rouge qui lui monte aux joues, tout est là pour que l’empathie joue. C’est ce mélange entre sincérité et mensonge qui est déstabilisant pour le lecteur et pour Tomohiro.
C’est ce voyage sur la corde raide qui vous donne de belles sensations à la lecture de DeadTube. Saurez vous rester en équilibre pour ne pas tomber dans la perversité et la complaisance malsaine ?

DeadTube est un manga qui va vous secouer, vous déranger, même si vous êtes un lecteur averti. Un bon thriller sanglant, qui ne comporte aucune limite morale.
Osez entrer dans ce monde qui attire autant qu’il dégoûte.


Xavier