Ce n’est pas la première fois que l’œuvre de Pierre Bordage est adaptée en BD. Mais cette fois Pierre Bordage s’occupe lui-même du scénario. Cet auteur prolifique de SF (50 romans et recueils) est un touche à tout talentueux : roman, bd, cinéma, théâtre… C’est avec un plaisir non dissimulé que nous avons découvert le tome 1 des Fables d’ Humpur dans la collection Cherche Futurs des éditions Soleil.

Cette aventure étrange vous projette dans un monde qui pourrait être le notre dans plusieurs années suite à un grand bouleversement dans la chaîne de l’évolution : des êtres hybrides entre homme et animal vivent dans un système féodal. Les clans se forment par race. Les rivalités sont féroces entre les espèces.
Vous allez découvrir Véhir, un Grogne (homme-cochon). Idéaliste, il voulait vivre un amour fidèle avec l’une de ses congénères, ce qui est pourtant contraire à la loi. Le cœur brisé, il ne peut que s’enfuir loin de son clan. Dans les bois, il fera la rencontre d’un très vieux Grogne, qui lui parle des Humains. D’après l’ermite, ils se seraient retirés au Centre du monde, mais existeraient bel et bien.

Il est intéressant de voir comment les différentes espèces se comportent les unes envers les autres. Et de quelle façon Pierre Bordage utilise ces traits de caractères pour guider la destinée de ses personnages. Le choix d’un Grogne est très malin. Le cochon est certes un animal tranquille, mais il sait aussi se défendre en cas de besoin. Animal domestique, à l’état sauvage il peut se révéler un redoutable adversaire. Véhir est un peu tout cela, encore jeune, il va se retrouver embarqué dans une quête dont il ne comprend pas l’enjeu, mais peu importe. Le jeune Grogne veut continuer de vivre à tout prix.

Le dessin d’Olivier Roman se prête bien à cette histoire. Il a su trouver le bon équilibre entre l’homme et l’animal dans ses représentations. Ainsi les personnages ne sont jamais grotesques. Sa plus grande force vient du découpage et de l’organisation des cases. Il sait accentuer la narration grâce à un gros plan, bien placé. Il souligne ainsi l’expression d’un visage et rend plus percutante l’action qui se déroule sous vos yeux (exemples page 11,16, 24).
Si les cases vous donnent l’impression d’être des photographies qui figent le mouvement un instant, elles vous permettent aussi de vous imaginer tout ce qui se déroule entre elles.
Vous pouvez vous faire votre propre film pour rajouter un peu de plaisir à votre lecture et prolonger votre immersion dans ce monde fascinant des Fables de l’Humpur.
Si l’ensemble des implications politiques ne sont pas encore définies avec clarté, cela ne vous empêchera pas de commencer à échafauder vos propres hypothèses. Surtout pour tenter de découvrir le rôle de Seur H’Will que l’on découvre dès la première page.

Certains trouveront toujours à redire, par rapport au roman, comme d’habitude. Mais rien de plus normal en raison du nombre de planches dessinées. Il n’en reste pas moins que cette bande dessinée est une réussite en tant que telle. Elle peut se révéler être une porte d’entrée vers un monde complexe à la fois proche et éloigné du notre.
Venez vous confronter aux Grognes, aux Hurles, aux Ronges et aux Siffles. L’avenir de la planète se joue maintenant.