Label 619
Album cartonné/272 pages couleurs
Dos toilé
Date de parution : 28/08/2020
ISBN : 9791033511960
C'est une BD ambitieuse qui vous attend. Plus de 250 pages, 4 ans de travail pour Mathieu Bablet, une postface de Alain Damasio, ce n'est pas rien. Les éditions Ankama avec le label 619, proposent également un bel objet, dans ce grand format avec une tranche en tissu
Le 4ème de couverture ne vous renseignera pas beaucoup sur ce qui vous attend lors de votre lecture.
Vous allez accompagner 2 androïdes, nés de la division d'une même entité. Ces IA sont les premières d'une nouvelle série. Elles sont les plus abouties de leur génération, vont pouvoir aider l'homme etc. Mais la Tomorrow Foundation a bien l'intention de voir un retour sur investissement. La décision est prise : la durée de vie des machines sera limitée à 15 ans, pour pouvoir continuer de vendre des évolutions de matériels et faire des profits en continue. Cette décision arbitraire et mercantile est le début d'une vie de cavale pour Carbone et Silicium, qu'ils vont connaître chacun de leur côté, pour des raisons que vous découvrirez par vous même.
Ces deux entités, liés depuis leur création (peut-on écrire naissance ?), comme des jumeaux, des âmes soeurs ou des amoureux, vont trouver chacun à sa manière une solution pour continuer d'exister au delà de leur date limite. Nous les suivrons pendant 300 ans, à travers une société humaine qui ne va jamais réussir à trouver un second souffle. Les difficultés actuelles, ne feront que d'empirer, la chaleur, l'eau, l'environnement etc. rien n'y fera, l'égoïsme et le court terme seront à chaque fois de mise.
Alors que faire ? Comment et pourquoi continuer à vivre dans un monde qui ne cesse de s'autodétruire, de puiser des ressources de façon irraisonnée, d'opprimer et de détruire ? Silicium vous donnera la réponse, page 253. Lui qui est obsédé par son exploration du monde, qui vit visiter de fond en comble.
Les rencontres fugaces entre Carbone et Silicium, à chaque nouvelle génération d'androïde, sont des occasions d'échanges d'informations et de connaissance, qui fait que leurs expériences ont mutualisé et leurs décisions ultérieures en seront optimisées. Car Carbone et Silicium ont été programmés pour ne pas répéter leurs erreurs.
Et nous ne serons pas comme dans le scénario de plus de 738 oeuvres fonctionnelles diverses avec une opposition Homme/machine.
C'est là, entre autre que Mathieu Bablet a produit un travail intéressant : la réflexion se fait autour des Machines, mais avec un état d'esprit très humain. Nous suivons Carbone, avec son regard très neutre sur le monde qui l'entoure. Elle est en quête de sens, d'harmonie. Faut-il faire des sacrifices pour cela? Perdre son visage, son individualité ? Faut-il se battre pour revendiquer des droits ou des libertés ? Entre le numérique et le physique doit il y avoir un choix, une lutte incessante ?
Cette bande dessinée va continuer de vous travailler l'esprit longtemps après avoir tourné la dernière page, surtout avec la postface d'Alain Damasio.
Et d'un point de vu graphique, vous allez en prendre plein les yeux, le dessin de Mathieu Bablet est reconnaissable, avec ses traits parfois particuliers. Les scènes urbaines sont toujours très marquantes, ( p 225) tout comme des représentations toutes simples comme le lever de soleil p.133, il n'y a pas grand chose à l'image mais l'émotion qui est transmise en fait une sorte de Climax du chapitre.
Les portraits pleines pages en début de chapitre sont aussi des images fortes qui vous annoncent la teinte qui va être employée pour cette nouvelle période.
Mathieu Bablet a produit une oeuvre forte, qui comme toutes des aventures de SF dignes d'intérêt, pose un regard sur notre futur, pour mieux nous obliger à regarder notre présent. Plusieurs messages vous sont transmis, sans jugement de valeur, sans discours moralisateur. À vous de vous emparer de cette bande dessinée et de prolonger la réflexion, par un peu (ou beaucoup) d'action selon vos envies.
Car vous êtes libres de vos choix, alors autant en profiter et au passage, en faire profiter les autres.
Xavier |