La population de la Grande Bretagne a été quasiment anéantie en 2019. L’histoire de «la Zone », série en quatre volumes scénarisée et dessinée par Eric Stalner, se passe 48 ans plus tard. Nous y découvrons les survivants du peuple dévasté ainsi que leurs quelques descendants. Ils ont patiemment reconstruits des villages parcellaires et autres habitations refuges. Autour de ces îlots, tout n’est qu’un paysage ravagé, des monuments détruits et à l’abandon, recouvert par une végétation luxuriante qui a repris le dessus. De ce cataclysme, les hommes ont tiré une leçon : il ne faut plus garder aucune connexion avec le passé ni avec le savoir. La furie des éléments est due à leurs erreurs, ils se sont crus aux dessus des lois divines. C’est pourquoi le prêtre du village leur a montré comment se plonger dans une sorte d’obscurantisme et ainsi se protéger.

Seul contre l’avis de tous, Lawrence vit dans une maison à l’écart du village. Il a conservé une multitude de livres et une carte de l’Ancien Monde. Considéré comme un anarchiste dangereux, il devra faire face non seulement au milieu hostile mais aussi à la hargne de villageois un rien obtus et endoctrinés. Accompagné de son puma, il va tenter de survivre et de retrouver les traces du passé pour enfin sortir de la Zone.

Ce premier tome est très fort avec une installation méticuleuse des personnages et des lieux. Les liens entre le passé et le moment présent permettent de poser certaines limites et des dangers particuliers. On en apprend beaucoup sur le héros, sa quête avortée et ses espoirs mis à mal, mais pas trop. On s’attache très vite aux protagonistes.

Ce monde verdoyant et cependant extrêmement hostile ne nous rebute pas. Il est visuellement magnifique avec des plans saisissants de profondeurs et un foisonnement de détails dans le dessin. Les nombreuses plongées renforcent le mouvement, très présent dans ce monde de type post-apocalyptique végétal. Le soin particulier apporté aux architectures des monuments rend le contraste Nature/constructions humaines encore plus important. Cela accentue une impression de « guerre des mondes » (pour exemple, voir la superbe planche p.39 et la bibliothèque p.48).

« Sentinelles », premier volet de « La Zone » s’avère donc une vraie réussite tant au niveau narratif qu’au niveau visuel. Nous sommes rapidement pris dans l’aventure, qui va de l’avant et évite les écueils courants de la SF où le propos devient vite opaque. Un début d’aventure très fort et captivant qui laisse augurer une très bonne série dans l’ensemble. Avec quatre tomes, nous sommes gâtés. Bravo.