Noé (Noah)Année de sortie : 2014

Réalisateur : ARONOFSKY Darren
Distribution : Paramount Pictures France



Sortie en salle : 09 avril 2014

Durée : 2h18min

Les descendants d’Adam et Eve se sont déchirés (voire entretués) pour dominer le monde, l’entraînant à sa chute. Noé, de la lignée Seth, voit son père se faire exterminer sous ses yeux par un chef guerrier de la lignée de Cain. Dès lors, il fuit les hommes et ne cherche qu’à protéger les siens.
Devenu adulte, il reçoit des messages divins l’informant de la prochaine destruction du monde par un déluge incontrôlable. Sa mission consistera à construire une Arche gigantesque et à y accueillir des couples de chaque espèce animale.
Aidé dans sa tache par sa femme, leurs trois fils et leur fille adoptive, Noé se refuse à prolonger la vie humaine et comprend que Dieu veut la fin de l’Humanité. En conséquence, ses enfants n’auront pas le droit de procréer, aucun conjoint n’aura donc sa place sur l’Arche, pas plus que d’autres humains que les six précités.

Il est réellement perturbant de voir deux œuvres proches, véhiculées par deux media différents, porter des messages si divergents ! Le personnage de Noé, qui a toujours fasciné le réalisateur Darren Aronofsky, fait en effet l’objet d’une bande dessinée en quatre tomes au format franco belge (édition du Lombard – voir notre chronique ici
) et d’un long métrage à grand spectacle. Au scénario des deux œuvres, les mêmes Darren Aronofsky et Ari Hendel.

Le principe de base, intéressant : utiliser l’histoire du personnage religieux Noé comme une parabole pour souligner la destruction actuelle de la planète par les hommes. Pour cela, on présente un décor dévasté, de type post apocalyptique et des hommes qui tuent les animaux pour leur plaisir et non plus pour leurs besoins.

Hélas, là où la bande dessinée devait se faire concise et efficace pour magnifier le propos sur l’ensemble de ses pages, le film délaye le propos sans fondement à coup d’effets spéciaux certes spectaculaires mais peu justifiés par le scénario. Par exemple, on voit rentrer une véritable nuée d’oiseaux de toutes sortes dans l’Arche, ce qui est visuellement très impressionnant. Cette scène ayant lieu dans les deux versions. Mais ensuite le film reproduit quasiment la même scène en faisant arriver les reptiles puis les mammifères. Au fil du remplissage l’impact des images perd son importance aux yeux des spectateurs et donne un sentiment proche de la lassitude.

De même, Noé est censé avoir des visions du futur déluge. Ce qui est vraiment bien retranscrit dans la bande dessinée avec force de cauchemar et de cases décalées où s’expriment des hallucinations diurnes. A cette occasion, on note la détresse de Noé et son caractère parfois irascible. Il est un homme tourné vers le bien mais son obsession tourne presque à la folie, notamment parce que les visions lui font tourner la tête. En revanche, le film reste très évasif sur les visions et se centre sur des événements extraordinaires interprétés comme des signes (ex : la goutte d’eau qui fait poussé une fleur). Dès lors la personnalité complexe de Noé ne peut pas autant s’exprimer et je pense sincèrement que je n’en aurai pas compris les subtilités si je n’avais pas lu la BD en amont. Quel dommage !
Autre exemple, la bande dessinée explique vraiment bien en quoi les hommes épuisent la planète notamment en tuant des animaux pour des futilités (leurs cornes) au lieu de les manger (voire de les sauvegarder en demeurant végétariens comme Noé et sa famille). La scène de chasse d’un carnivore méconnaissable (sorte de loup croisé avec un pangolin !) du film semble juste servir à montrer l’animation de cette créature peu orthodoxe mais on n’y perçoit pas autant la profondeur du propos écologique.

Et globalement tout fonctionne ainsi, ce que je ne comprends vraiment pas puisque le scénario existait et qu’il était efficace. Puisque le film dure 2h16 et pouvait donc exploiter clairement les idées qu’une bd parvenait à développer en 200 et quelques pages.

Un petit (dernier) mot sur les acteurs. Ils font leur job mais ne sont pas non plus transcendants ! Petite déception pour le jeu d’Emma Watson qui incarne Ila, fille adoptive de Noé. Son panel de jeu me paraît hélas moins élaboré que je le pensais et je trouve qu’elle sur joue souvent en forçant ses mimiques, notamment parce qu’elle ne donne pas assez d’expression à ses yeux. (sauf sur la scène réussie du retour dans l’Arche où son bonheur caché ressort réellement). Quant à Antony Hopkins, il reste un peu trop joufflu pour jouer le grand père ermite décharné !

Au final, la vision de ce film est une déception certaine pour moi car la BD avait montré que le scénario pouvait vraiment montrer quelque chose. Le déclic n’a pas eu lieu. Tant pis.


Tiphaine