HARKNESS DeborahDate : 02-05-2011

Salle : La Sorbonne
Ville : Paris

Le Livre Perdu Des Sortilèges.







Pour écouter son interview réalisée après son intervention: Lien ITW-Deborah.Harkness







Vous pouvez visiter le site français dédié au livre : http://www.lelivreperdudessortileges.fr/

Présentation du premier roman de fiction de Deborah HARKNESS, qui sera publié aux éditions Orbit le 4 mai 2011 Le Livre Perdu des Sortilèges. Au commencement étaient la peur et le désir, en présence de l’auteur dans la Salle des Actes de la Sorbonne à Paris, organisée en partenariat avec l’association étudiante L’envolée bleue.

Notre compte rendu se veut le plus exhaustif possible par rapport à ce qui a été dit par Deborah HARKNESS. Cependant il ne s’agit que d’un compte rendu qui retranscrit les paroles de l’auteur et pas une version écrite de ce qu’elle a dit mot pour mot.

C’est devant un auditoire très majoritairement féminin que s’est présentée Deborah HARKNESS. Pour lui poser des questions, Jerôme VERMELIN du journal Métro, assisté par Sylvie MILLER pour la traduction. Après un petit mot d’Audrey PETIT, Directrice de Collection chez Calmann Levy Orbit, qui nous expliquait qu’elle avait eu un véritable coup de cœur à la lecture de ce manuscrit et avait décidé d’en acquérir les droits bien avant qu’il ne soit publié aux Etats Unis. Ce qui l’a marqué, c’est cette notion de désir. Et notamment le secret et le mystère du livre disparu, l’Ashmole 782. Ainsi que l’utilisation que fait Deborah HARKNESS du mythe du vampire et des créatures de la nuit, tout comme le désir qui existe entre Mathew et Diana.



Jerôme Vermelin : Déborah HARKNESS est professeur d’histoire. Est-ce que le livre perdu, l’Ashmole 782 a existé véritablement ?



Deborah Harkness : L’Ashmole 782 a vraiment existé. Malheureusement il a été perdu (information que l’on retrouve sur le site de l’auteur http://deborahharkness.com). J’ai donc imaginé ce qu’il aurait pu être et quel était son contenu. Ce fut très amusant à faire.



JV : Comment êtes vous arrivé à écrire une fiction ? Car vous avez déjà écrit deux livres qui n’étaient pas des fictions.



DH : C’est un accident. A Mexico, avec ma mère et j’ai vu le livre Twilight à l’aéroport. Je me suis demandé pourquoi il y avait tant d’intérêt pour les fantômes, les démons, les vampires. J’ai étudié l’histoire du XVIème siècle, en tant que professeur d’histoire. Et cette fois, au lieu d’aller chercher des informations, j’ai commencé à écrire. Et au bout de 6 semaines, j’ai pris conscience que j’avais débuté un roman.



JV : Les démons, les vampires etc sont parmi nous depuis longtemps dans votre roman.



DH : J’ai lu Anne Rice dans les années 80. Je me suis demandé pourquoi est ce que cet intérêt pour ces créatures existe en Europe depuis 1500, et pourquoi il existe encore aujourd’hui. Peut-être parce que nous sommes cartésiens et que malgré tout, vous voulons encore croire qu’il y a plus que ce que nous soyons et ce que nous connaissons.



JV : Dans votre romans, les créatures sont intégrées, cachées dans la société.



DH : J’ai inventé un monde comme ça, avec l’idée que notre voisin pourrait être un vampire ou un démon, comme on le pensait au XVIème siècle, mais dans un monde contemporain.



JV : Comment s’est passé la création de Diana qui est une sorcière et de Mathew qui est un vampire.



DH : Ce fut facile à imaginer. Cela a commencé avec Diana. J’ai voulu imaginer un monde en le voyant à travers les yeux des personnages. Pour Diana, je voulais qu’elle soit intelligente, qu’elle ait une carrière, qu’elle s’assume. Je suis professeur. Il me fallait des personnages qui inspirent mes élèves, qu’ils puissent leur servir de guide. Pour Mathew, il devait être français et très vieux (il a 1500 ans). La France a été pendant longtemps le centre du monde et il devait aimer le vin. Donc il ne pouvait être que français.

Il me fallait aussi un équilibre entre la magie et la science, c’est pour cela que Diana est historienne et que Mathew est généticien. Un peu comme l’auteur qui fait des recherches en tant que professeur.



JV : Êtes-vous spécialiste en vin ?



DH : Je suis une amatrice éclairée. Dans les années 96-97, j’ai créé un blog, J'ai également fait des chroniques dans divers magazines web et papier. Alors on m’a donné le titre d’experte, mais c’est trop.



Le Public : Quelles sont vos lectures ?



DH : Principalement des livres qui ne sont pas de la fiction. Beaucoup de livres où il y a des mystères, ou sinon des livres qui parlent d’autres livres. Mes livres favoris sont Le Nom de la Rose et Possession.



JV : Est-ce que vous avez mis une dimension scientifique dans votre roman pour rendre crédible la magie ?



DH : J’ai fait ça, car je voulais écrire un livre moderne d’un point de vue ancien. Partir de l’idée que les gens avaient dans l’ancien temps avec toutes leurs croyances.



Le Public : Pourquoi avoir choisir une histoire d’amour et pourquoi est-ce qu’il y a autant de changements dans l’attitude de Diana ?



DH : A cause de l’alchimie. L’histoire de l’or et de l’argent. C’est l’explication de la création du monde. Une métaphore sur la création et la destruction. Si jusqu’au milieu du livre, ce n’est qu’une simple histoire d’amour, à la fin (ndtr : pas de spoiler ne vous inquiétez pas) c’est autre chose qui se passe. Ça se transforme et du coup, cela bouleverse les repères de Diana.

Je ne vois pas autour de moi d’histoire d’amour qui se déroule selon le schéma résistance puis libération, comme c’est le cas dans les livres ou les films. Dans la vie, je voir de la résistance, puis une libération, puis de nouveau de la résistance.



Le Public : d’ailleurs au début, Diana refuse la magie.



DH : Oui, elle est complètement fermée à sa vie de sorcière. Forcément ça doit exploser.



Question du Public : A quand la suite ?



DH : C’est prévu pour 2012. Je suis en pleine écriture.



JV : La bibliothèque d’Oxford.



DH : J’y ai passé beaucoup de temps. Je connais le bruit du parquet, des fenêtres qui s’ouvrent, les regards que vous jettent les gargouillent… Il y a forcément des démons et des vampires là-bas. Le livre est une lettre d’amour aux bibliothèques et aux livres.



Le Public : Est-ce que vous pensez qu’il pourrait y avoir une adaptation cinématographique ?



DH : Il y a des gens qui sont intéressés, mais je m’inquiète de ce que pourrait faire Hollywood de mon œuvre. En plus je veux que les parties qui se déroulent en Grande Bretagne soient tournées là-bas, tout comme les parties en France doivent être tournée en France et pas dans des décors. Cette exigence pose problème.



JV : Sur le site on peut voter pour choisir quel acteur serait le mieux à même d’interpréter chaque personnage. (Dans la salle quelques noms fusent).



DH : C’est à chaque fois la même chose, les avis sont divergeant sur Mathew. Mais les gens ont plus de mal pour faire un choix sur Diana. Du coup, je ne voudrais pas faire le casting.

Pour moi, c’est Kate WINSLET qui pourrait interpréter Diana. Par contre Mathew est trop irréel, je n’arrive pas à me décider.



JV : Il y a un peu de vous dans vos personnages.



DH : Bien sur, Diana aime le vin, elle est blonde, historienne, elle monte à cheval. Mais elle est plus grande est plus mince que moi.



JV : Mathew est-il l’homme parfait ?



DH : Oh non, il est trop compliqué, il a trop de secret derrière lui.



JV : Il est possible d’être ami avec les personnages du roman sur Facebook. Est-ce votre idée ou l’idée de l’éditeur ? Il est ainsi possible d’aller écouter la musique que les personnages apprécient.



DH : C’est mon idée. J’écris en musique, alors maintenant c’est devenu la musique des personnages. C’est la raison pour laquelle elle est en écoute sur leurs pages Facebook. Et puis sur Facebook, je suis amie avec William Shakespeare, alors pourquoi pas mes personnages.



Le Public : Pourquoi des vampires, des démons… et pas de loups-garous ?



DH : Au début, j’ai voulu savoir quelles seraient les espèces que l’on pourrait tester au niveau du sang. Pour ce qui est des loups-garous, je ne trouve pas de crédibilité dans le changement de forme. Mais par contre, je peux tout à fait imaginer que mon voisin est un vampire. Même chose pour les démons, car j’ai rencontré des personnes particulièrement inventives, qui avaient une façon très différentes de penser par rapport au commun des mortels.



Le Public : Dans votre livre, les démons sont d’abord des humains. Cela change de l’image que l’on se fait du démon des enfers avec ses cornes… Du coup j’étais un peu perdue au départ.



DH : Je suis partie du terme Daemon, qui vient de la grèce antique, il s’agit d’un guide spirituel. A Rome, on les appelait les génies. Puis lors de leur arrive en Europe, ils sont devenus les Démons. Ce qui vous donnent de l’inspiration dans votre tête et qui ainsi vous détourne de Dieu pour vous mener vers le Diable. Je suis partie de l’ancienne définition du mot Démon : c'est-à-dire qu’il est créatif, un guide spirituel.



Le Public : Et c’est pareil pour les sorcières, qui avant étaient proches de la nature, des guérisseuses ?



DH : Avant les sorcières étaient des sachants, des guérisseuses. Mais en même temps, il y a eu le développement de la médecine. Elles sont devenues démoniaques, menaçantes. Je voulais revenir aux croyances anciennes. Car finalement elles ne sont pas si différentes de toi et moi. Donc pourquoi en avoir peur ?



Le Public : Quel a été le délais avant que votre manuscrit soit accepté par un éditeur :

Il y a eu 9 mois d’écriture. Puis 3 mois de retouche. Ensuite j’ai retravaillé dessus pendant 6 mois avec l’éditeur. Au final le livre a perdu 400 pages. Mais la fin n’a pas été changée. Mon agent n’a pas été ravi d’apprendre que j’écrivais un roman, car je devais écrire sur la société royale à Londres. Mais finalement elle a été emballée par le projet. Mon manuscrit a été présenté à 13 éditeurs le jeudi. Et dès le lundi j’ai eu des propositions. Ensuite lors de la foire du livre de Francfort, Orbit a acheté les droits.



Audrey PETIT précise que le livre a été acheté pour être édité dans 34 pays en un an et demi. Mais surtout avant même qu’il soit publié aux Etats Unis.



JV : Est-ce qu’il y a une différence dans l’écriture d’une fiction par rapport à l’écriture d’un livre qui ne soit pas une fiction ?



DH : Pour écrire un livre d’histoire, si j’ai un blocage, je vais dans une bibliothèque. Pour écrire une fiction, si j’ai un blocage, je m’installe dans un bon fauteuil avec un café.

J’ai beaucoup lu sur le thème développé dans ma fiction depuis les années 80 donc c’est plus facile pour moi, car j’ai en tête toutes les recherches effectuées en tant qu’historienne. D’ailleurs j’admire les auteurs qui décident d’écrire sur un thème particulier et font des recherches uniquement dans ce but précis. Le plaisir d’écriture est également différent. Pour la fiction, c’est plus libre.



Le Public : Avez-vous d’autres projets de fiction ?



DH : Non, car il faut pour l’instant que j’écrive le deuxième, puis le troisième volume. Et il faut également que j’écrive le livre sur la société royale de Londres qu’attend mon agent.



Le Public : Vous partez sur l’idée d’une trilogie ?



DH : Oui, depuis le départ. J’ai déjà écrit le dernier chapitre du dernier livre. Mais je ne sais pas encore comment je vais y arriver.



Le Public : Et pour la partie du la génétique ?



DH : Je voulais que Darwin ait raison. Je sais qu’actuellement ses théories sont remises en cause par la société scientifique, mais pour mon livre, c’est important qu’il ait raison. Sinon pour la génétique, le livre a fait l’objet d’une relecture par 2 généticiens qui n’ont rien trouvé à redire. Il y a pourtant une erreur qui s’est glissée sur un type sanguin. Ce sera corrigé pour la prochaine fois.



JV : Vous êtes originaire de Philadelphie, vous vivez actuellement en Californie et vous avez beaucoup voyagé.



DH : Je suis allée dans différentes écoles, j’ai effectué beaucoup de voyage pour mes recherches. C’est quelque chose de très important pour moi d’avoir vu tant de choses qui se déroulent en dehors des Etats Unis.



JV : Quel programme enseignez vous à vos étudiants ?



DH : L’histoire de l’Europe de la renaissance à la révolution, ainsi que l’histoire de la révolution scientifique. Je leur parle aussi des Tudor, d’Henri VIII, d’Elisabeth I.

J’ai des étudiants intelligents, énergiques. C’est parfois très fatiguant. Mais ils sont également beaucoup distraits par tout ce qui les entourent en Californie : le cinéma, la plage, le soleil. J’ai entre 200 et 250 étudiants tous les ans. Etant actuellement en disponibilité, je ne les ai pas encore revus depuis la parution du livre. Je ne sais pas ce qu’ils en ont pensé, ni même s’ils l’ont lu.



JV : Est-ce que vous souhaiteriez arrêter l’enseignement si vos livres se vendent bien ?



DH : Non. Car c’est en classe que j’ai appris à raconter les histoires.



JV : Est-ce que vous avez fait en sorte que votre livre soit une façon détournée de donner envie aux lecteurs de s’intéresser à l’Histoire ?



DH : En fait j’ai l’impression d’avoir une énorme classe depuis que le livre est publié. Et beaucoup de mes lecteurs s’intéresse depuis à l’Histoire. Et c’est génial de les voir se passionner pour le temps des croisades ou les périodes décrites où interviennent Mathew et son fils.



JV : Mathew qui a 1500 ans et son fils sont bien intégrés dans la société. Vous vouliez une nouvelle conception du mythe du vampire ?



DH : Oui, il fallait que ce soit crédible. Je ne voulais pas d’un vampire qui ne vive que la nuit, qui ne boive que du sang, qui avait de grandes dents, qui devait travailler dans un hôpital ou comme policier. Peut-être que ce sont les humains qui les stigmatisent et en font des monstres. En fait ils sont proches de nous. C’est nous qui les croyons et les voyons différents, avec des crocs, des cornes.



JV : Un mot sur les relations entre les humains et les démons :



DH : Les créatures se protègent des hommes. Car ces derniers les imaginent avec des capacités extraordinaires.



JV : Est-ce que lors d’une dédicace, vous avez déjà rencontré un vampire qui vous ait dit qu’il vous avez à l’œil ?



DH : Non, pas encore.





Pour finir Deborah HARKNESS a lu en français les trois phrases qui figurent sur la première page de son roman. Elle a ensuite dédicacé les ouvrages qui lui ont été présentés, notamment ceux des gagnants du concours organisé par le journal Metro.



Pour en savoir encore d’avantage, vous pouvez écouter l’interview que Deborah HARKNESS nous a accordés : Lien ici.