DJIAN Jean BlaiseLe 28/01/2012



Interview de Jean Blaise DJIAN, scénariste de Bandes Dessinées

LAM :

Bonjour,
nous allons nous intéresser aux séries "Les quatre de Baker Street" et "Le Grand Mort".
Pouvez-vous nous présenter (très rapidement) le principe de ces deux titres?
Vous êtes co-scénariste sur ces deux séries. Pouvez-vous nous expliquer comment vous êtes venu à travailler sur ces deux projets?

DJIAN Jean Blaise :

Bonjour, et merci de votre intérêt pour ces deux séries.
Pour « Les quatre de Baker street », j’avais déjà réalisé la trilogie d’un western psychologique « Chito Grant » avec David Etien. Suite à cela, David m’a proposé de continuer ensemble mais il souhaitait aborder le thème des enfants des rues de Londres à l’époque victorienne sous forme d’aventures, et que chaque album soit une histoire complète. Son projet m’intéressait, mais je ne connaissais pas réellement bien le sujet. J’ai alors proposé à David de travailler avec deux scénaristes car j’avais (et j’ai toujours) un ami qui connait parfaitement cette époque : Olivier Legrand. Olivier et moi avions déjà travaillé en co scénario sur deux albums. J’ai présenté Olivier à David et le courant est tout de suite passé. Par ailleurs, Régis Loisel avec qui je travaillais déjà sur « Le grand mort » avait repéré la qualité de dessin de David et m’avait proposé, lorsque nous aurions un nouveau projet, de nous donner un coup de main. En grand seigneur qu’il est, il a tenu parole et a donné des conseils à David puis, a présenté notre projet à trois éditeurs.
Pour « Le grand mort », l’histoire remonte à loin déjà. Un jour (ça devait être en 1999), Régis et moi papotions au téléphone et il m’a dit que mon éditeur de l’époque (Soleil) lui avait proposé de travailler avec lui, que s’il avait un scénario, il chercherait un dessinateur. Au cours de cette conversation, Régis m’avait dit qu’il avait bien un projet mais qu’il n’avait pas le temps de s’en occuper. Je lui ai alors suggéré de l’aider amicalement et bénévolement. Le lendemain, Régis m’a rappelé pour me dire qu’il était intéressé par ma proposition. Il m’a alors envoyé un épais dossier de notes intitulé « La légende du grand mort ». Je l’ai étudié en profondeur et j’ai commencé à le découper et dialoguer sur une trentaine de pages. Régis les a lues, y a ajouté sa patte et l’histoire était lancée. Après plusieurs essais, Vincent Mallié est arrivé dans l’histoire.

LAM :

Comment vous répartissez vous l'écriture avec les autres scénaristes (Legrand pour Les Quatre de Baker Street et Loisel pour le Grand Mort)?

DJIAN Jean Blaise :

A la base, les trois premiers tomes de « les quatre de Baker street », ont été mis en place par Olivier. Après discussions sur les idées, rebondissements etc. Olivier travaille seul pour écrire l’histoire comme une nouvelle. Cette mouture contient l’histoire de A à Z. Nous nous réunissons alors David, Olivier et moi pour en discuter. Chacun amène ses idées ou remarques et on effectue les ajustements nécessaires. Olivier retape le tout avec les rectifications, et sur cette base approuvée par tous, je me charge du découpage et de la mise en scène. Olivier étudie mon travail et s’il est d’accord, c’est la version que nous fournissons à David.
Le travail sur « Le grand mort » est assez différent puisque Régis et moi écrivons directement le découpage et les dialogues. Nous avons une trame de l’histoire avec en tête la fin de l’histoire et les passages obligés pour y arriver. Dès lors, on crée les rebondissements en travaillant ensemble lors de séances d’une semaine ou dix jours, en France ou au Québec.

LAM :

Avez-vous votre mot à dire sur le choix des dessinateurs?

DJIAN Jean Blaise :

David et Vincent sont deux dessinateurs extrêmement exigeants et perfectionnistes. Deux travailleurs acharnés aussi, et deux amis à l’état d’esprit irréprochable. Je suis fier de pouvoir travailler avec des gens d’une telle qualité

LAM :

Vous abordez dans ces deux séries des éléments littéraires ou légendaires de l'ordre du mythe (Sherlock Holmes, le petit peuple et ses créatures) et il me semble c'est également le cas pour une prochaine série co écrite avec Legrand. Est-ce particulièrement stimulant de donner votre version de ces mythes?

DJIAN Jean Blaise :

Effectivement, nous abordons des thèmes de l’ordre du mythe. Pour ce qui me concerne, c’est extrêmement enrichissant car à la base, je ne connaissais pas bien ces univers. Grâce à mes co scénaristes, j’ai beaucoup appris sur ces sujets, et j’ai découvert des mondes passionnants. J’aime beaucoup aller à la rencontre de nouveaux territoires, et c’est le cas. Pour la prochaine série co écrite avec Olivier Legrand, je pense que vous faites allusion à « Les derniers argonautes » qui sera dessinée par Nicolas Ryser et éditée par les éditions Vents d’Ouest. Effectivement, toujours de l’ordre du mythe…

LAM :

Comment devrait évoluer "Le grand Mort" et "les quatre de Baker street" (nombre de tomes normalement prévus? prise de maturité d'un personnage ou mise en avant dans un autre dans 'les quatre...") ?

DJIAN Jean Blaise :

« Le grand mort » devrait comprendre six tomes en tout et, du fait qu’il s’agit d’un grand récit, vous comprendrez qu’il m’est difficile de vous parler des prochains épisodes. Comme vous l’avez sans doute constaté, Pauline a énormément changé depuis sa première rencontre avec Erwan. Erwan, lui, était un type plutôt placide. Il l’est toujours mais les événements ont fait qu’il s’est lancé à corps perdu dans une recherche désespérée d’une fille qu’il aime peut-être mais qui est porteuse d’un potentiel terrible danger pour les deux mondes. Dès lors, on découvre un type capable de prendre le taureau par les cornes. Son évolution à lui est assez nette aussi.
Pour « Les quatre de Baker street », c’est différent du fait que chaque album est une aventure complète. Nous abordons un thème nouveau à chaque tome. Pour l’instant, David, Olivier et moi éprouvons toujours autant de plaisir à travailler sur cette série, donc nous continuons. Nous avons trouvé des idées jusqu’au tome 7 que nous soumettrons à David le moment venu pour qu’il les valide ou non. Les personnages de la série ont chacun une identité très forte et c’est ça la force du groupe : La somme de toutes leurs forces. Nous comptons les faire évoluer et très progressivement les faire grandir.

LAM :

Quelle bande-son proposeriez vous pour accompagner chacune des séries? (serait-elle forcément en accord avec vos goûts personnels ou avec ce que vous écoutez au quotidien) ?

DJIAN Jean Blaise :

Pour « Les quatre de Baker street », je verrais bien la musique des Beatles période 1966 -1969. Nos héros sont des jeunes au passé lourd et pénible mais qui ensemble sont partis avec l’insouciance de jeunes dont la rue est le domaine, mais qui la traverse à tue-tête. Genre la chanson « Penny lane ».
Pour « Le grand mort », je verrais davantage une musique planante entrecoupée de passages speed et névrotique comme la musique d’Angelo Badalamenti sur « Twin peaks ».

LAM :

Un mot sur l'ambiance de ce 39ème festival d'Angoulème ?

DJIAN Jean Blaise :

Toujours une formidable fête. Un éternel plaisir de se trouver au milieu de cette ville en ébullition. Dans une telle ambiance, on ne croise que des amis, on ne trouve que du plaisir.

LAM :

A votre niveau quel a été le personnage chouchou du public lors des séances de dédicaces?

DJIAN Jean Blaise :

Pour ce qui concerne les « Quatre de Baker street », on nous a beaucoup demandé « Black Tom », pour « Le grand mort », je pense que c’est partagé entre Pauline, Erwan et Gaëlle, pour la série « Le Service » chez Emmanuel Proust, c’est carrément Paul Galland, le tueur de l’ « organisation ».

LAM :

Avez-vous eu l'occasion de profiter des expos? Si oui qu'en avez-vous pensé?

DJIAN Jean Blaise :

En fait, pas trop. Je le déplore mais le planning était vraiment serré.

LAM :

Quelle est votre actualité (dédicaces, sorties prochaines d'albums...) ?

DJIAN Jean Blaise :

Pour les dédicaces, j’irai comme chaque année au festival des planches et des vaches à Hérouville St Clair près de Caen, le dernier week-end de mars et d’autres mais qui seront plus loin dans l’année.
Pour les sorties d’albums, il devrait y avoir le tome 4 de « Normandie juin 44 » sur le débarquement de Normandie dessiné par Bruno Marivain, en mai, aux éditions Vagabondages, « Les derniers argonautes » dont nous avons parlé tome 1 début juin, « Le destin des Algo-Bérang » tome 1 dessiné par Claude Pelet qui vient de dessiner « Sasmira », aux éditions Glénat, Les tomes 4 des « Quatre de Baker street » et du « Grand mort » en octobre, Un polar noir de 220 pages intitulé « Au buveur d’étoiles » dessiné par Jérémy Lambert, en novembre aux éditions vagabondages, et le tome 2 du « Service », dessiné par Alain Paillou aux éditions E.P, pour finir l’année.

LAM :

Pour terminer nos interviews cette année, nous vous offrons la possibilité de donner la vie à un des personnages que vous avez créé. Qui serait ce personnage? (pourquoi ce choix? que ferait-il?)

DJIAN Jean Blaise :

Silien Melville, pompiste de nuit dans une station service parisienne et sur qui, en une nuit, toutes les foudres du monde sont tombées. Impliqué malgré lui dans un terrifiant complot politique, sa vie est devenue un enfer. Ca l’a fait sortir de son traintrain nauséabond mais, quand on l’a quitté à la fin du tome 2, il avait deux balles dans le ventre… Sa vie n’avait jamais valu très cher, mais j’aimerais qu’il s’en sorte…

LAM :

Merci d'avoir pris le temps de répondre à nos questions et encore bravo pour la qualité des séries sur lesquelles vous travaillez.

DJIAN Jean Blaise :

C’est moi qui vous remercie.

Jean-Blaise