HOBB RobinLe 01/11/2008

Interview de la romancière Robin HOBB, à l'occasion de sa venue à la 9ème édition du festival international de Science-Fiction de Nantes, Les Utopiales. Elle nous parle de son oeuvre, notamment de ses cyles "L'Assassin Royal", "Les Aventuriers de la Mer" et "Le Soldat Chamane" et du premier tome de "l'adaptation en bande-dessinée de L'assassin royal, parue le 24 septembre 2008 chez Soleil .



Pour écouter l'interview en anglais : Robin HOBB-01-11-2008

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La traduction de l'interview est disponible ci-dessous.

LAM : Avec Robin HOBB, au festival des Utopiales de Nantes, comment vous sentez-vous ici, en France ?

HOBB Robin : J’aime beaucoup être ici. L’ensemble du festival est génial tant par sa diversité que son côté vivant et je passe un excellent moment.

LAM : Vous êtes connue en France pour de très nombreux livres, parmi lesquels, bien sûr le cycle de « l’Assassin Royal », mais aussi celui de « Les aventuriers de la mer », ainsi que « le Soldat Shaman ». Vous avez l’habitude de dire que vous écrivez des choses à propos de ce que vous aimez. Qu’est-ce que vous souhaitiez mettre de vous plus particulièrement dans chacun de vos livres ?

HOBB Robin : Je pense que c’est pareil que si vous êtes un cuisinier et que vous choisissez vos ingrédients favoris. Parfois vous n’arrêtez pas d’utiliser les mêmes mais dans des proportions différentes pour obtenir des plats différents. Quand j’écris, ce que je préfère utiliser, c’est un grand panel de personnages, avec une proportion assez importante soit d’un type de magie soit d’une sorte d’influence surnaturelle, et bien sûr beaucoup d’action. J’aime les livres dans lesquels des choses arrivent plutôt que les livres dans lesquels les gens parlent beaucoup. Cela serait mon choix pour la recette d’un livre.

LAM : Comment écrivez-vous ? Vous dîtes que vous écrivez toujours le premier chapitre pour vous-même et ensuite, vous retravaillez dessus. Mais avez-vous vous nécessairement besoin d’avoir la fin avant d’écrire un livre ou laissez-vous les personnages vous guider ?

HOBB Robin : Je crois toujours que je sais comment un livre va se terminer quand je le commence. Parfois j’ai tord. Très souvent, au cours de l’écriture, des choses changent, ce qui signifie que la fin pourra être un peu différente de ce que j’avais initialement prévu. Je pense que c’est important de laisser l’écriture se développer naturellement et pas nécessairement de suivre un schéma préétabli. Parce que durant le processus de création, on peut trouver des façons différentes d’écrire l’histoire, avoir une meilleure idée et on peut voir que les personnages doivent prendre d’autres directions… J’aime suivre cela quand je peux. Parfois, cela signifie que je le fais pendant 50 pages et je me rends finalement compte que cela ne pourra pas aboutir à un matériau utilisable et je dois jeter une bonne partie du travail…Mais la plupart du temps, je trouve que cela rend le livre plus réel de laisser les personnages déterminer comment va finir l’histoire.

LAM : Pour revenir à l’Assassin Royal, vous avez laissez en un certain sens les personnages de côté, notamment en écrivant les Aventuriers de la mer, puis vous êtes revenus aux personnages du premier cycle. Pourquoi avez-vous voulu les faire réapparaître ?

HOBB Robin : Quand j’ai fini le premier cycle d’histoires à propos de Fitz, je pensais vraiment que l’histoire était terminée et que je ne réécrirai plus rien sur eux comme je l’ai dit de façon si convaincue de nombreuses fois. Mais alors que j’écrivais les Aventuriers de la mer, je n’arrêtais de penser à eux. Et ensuite, j’ai réalisé que je pouvais écrire un mail à quelqu’un et que cela sortait de la bouche de Fitz. Pas nécessairement en relation avec son histoire mais avec ses choix de mots et sa façon de parler. Donc, au milieu de ma rédaction des aventuriers de la mer, je me suis dit que j’allais faire une petite pause et écrire seulement un chapitre de plus (du précédant cycle), juste pour me prouver que cette histoire était vraiment achevée, qu’il n’y avait plus rien à raconter. Et cette nuit-là, j’ai écrit 40 pages et j’ai réalisé que, si, il y avait d’autres choses à raconter. Donc j’ai décidé de finir les Aventuriers de la mer puis de revenir à l’Assassin royal et d’en raconter plus.

LAM : Et maintenant ? Avez-vous d’autres choses encore à raconter à propos de Fitz ou peut-être de ses descendants ou autres ?

HOBB Robin : Quand j’ai fini le second cycle de livres, c’était dans mes arrières pensés d’en faire un troisième. Je ne suis pas revenu dessus pour un certain nombres de raisons… elles sont compliquées… certaines d’entre elles sont très personnelles. Je ne sais pas si j’y reviendrai un jour. Je trouve encore que j’ai l’histoire à un bon endroit. Et si j’y revenais, je voudrais y revenir dans une position de pouvoir, avec une histoire bien percutante à raconter plutôt que de dire : « j’écris un nouveau livre sur ces personnages parce que je les aime ».

LAM : Comment avez-vous eu l’idée, pour l’Assassin Royal, des deux types de magie (L’Art et le Vif) ?

HOBB Robin : Cela semble un bon moyen de mettre en place un conflit dans une histoire d’avoir ces deux zones de pouvoir. J’ai visualisé la magie dans ce monde particulier comme étant quasi similaire à un cercle de magie avec différents pouvoir aux différents endroits de ce cercle. Et peut-être des gens auraient des talents provenant d’un arc du cercle et d’autres gens possèderaient d’autres talents provenant d’un arc différent du cercle. Donc Fitz devait posséder les deux pouvoirs, qui s’opposent l’un à l’autre. Evidemment l’un est socialement acceptable et l’autre non. J’ai donc pensé que cela donnerait un aspect particulier au personnage. Cela a donné un bon élément de conflit dans l’histoire.

LAM : Vous écrivez toujours à la première personne, les gens disent que c’est parce que vous voulez toucher le lecteur. Y-a-t-il d’autres raisons à cela ?

HOBB Robin : Je pense qu’écrire à la première personne est toujours une façon très affective d’écrire une histoire tout d’abord parce que cela rend l’histoire très personnelle. Et quand le lecteur lit l’histoire, avec « j’ai fais cela », « je suis allé là », cela le met vraiment au cœur de l’histoire. Ce n’est pas toujours possible. Avec les Aventuriers de la mer, j’utilise un certain nombre de points de vue différents pour raconter l’histoire simplement parce qu’il y a tellement d’événements qui surviennent dans tant de lieux différents que cela aurait été impossible d’écrire l’histoire selon un unique point de vue. Mais quand c’est possible de le faire, j’aime beaucoup utiliser la première personne.

LAM : Pour le Soldat chamane, vous avez utilisé une nouvelle sorte de magie, quel est votre avis sur celle-ci ?

HOBB Robin : Eh bien, cela se passe dans un monde différent. Donc évidemment, selon moi, un nouveau monde doit avoir un autre type de magie. Car chaque histoire qui vient à toi vient avec son propre décor, ses propres personnages et très souvent son propre type de magie ou de physique, la différence en faisant une histoire soit de fantasy soit de science fiction.

LAM : L’Assassin royal a été adapté en bande dessinée (éditions Soleil ) en France.

HOBB Robin : J’adore le rendu de cette adaptation. Je trouve le travail magnifique. L’histoire est obligatoirement différente de l’histoire du livre. Vous ne pouvez pas prendre un livre de cette taille et le compresser sans perdre, enlever certains éléments, pour suivre simplement le scénario principal. Vous ne pouvez pas vous permettre de crouler sous les détails dans une bande dessinée. Donc, évidemment, c’est une adaptation mais je pense qu’elle est très très bien faite.

LAM : Vous avez seulement vu le produit final ou vous avez participé au processus de création de l’album ?

HOBB Robin : Non je n’ai pas participé à la création. Quand quelque chose est adapté, quand on transforme un livre en film ou en bande dessinée ou en chanson ou autre, je pense qu’il y a d’autres artistes impliqués et on doit leur laisser l’espace pour suivre leur propre interprétation du livre de référence. Pour moi, l’exemple le plus facile à prendre sont les films tirés du livre « Le Seigneur des anneaux ». Je suis allée les voir, je les ai énormément appréciés, mais quand j’étais assise dans le cinéma, il y avait des moments où je me disais : « ce n’est pas Mon seigneur des anneaux », « ce n’est pas comme cela que je vois ce personnage », ou « ce n’est pas ma vision de la Lórien ». En même temps, j’étais capable de l’apprécier en me disant, il s’agit d’une adaptation, c’est l’interprétation d’un artiste de sa propre expérience de lecture d’un autre artiste.

LAM : Avez-vous donné au scénariste ou à l’illustrateur des idées ou les avez-vous laissés faire leur travail d’adaptation ?

HOBB Robin : Je les ai laissé totalement seuls pour leur laisser leur libre choix et les respecter. Parce que c’est un média différent, c’est un domaine dans lequel je n’ai jamais travaillé. Ce serait comme si j’expliquais à quelqu’un comment jouer du piano alors que je ne sais pas en jouer. Et comme si je lui tapotais sur l’épaule en disant : « non, non, joue plus vite maintenant ! », alors que je ne comprends pas ce à quoi la personne veut arriver.

LAM : Il y a un groupe de métal, Within Temptation, qui a écrit une chanson sur l’Assassin royal. Avez-vous des cds de ce groupe ?

HOBB Robin : Oh, j’ai acheté leurs cds parce que j’apprécie leur musique. Je me suis aperçu récemment de leur existence. Et j’ai commencé à écouter leur musique il y a peu. Mais c’est très « confortable » à écouter, c’est une musique très agréable. Mais de nouveau c’est à part de mon œuvre, c’est leur création et c’est ce qu’ils font eux.

LAM : Y-a-t-il un certain type de musique que vous recommanderiez d’écouter en même temps que l’on lit vos livres ?

HOBB Robin : Non, pas vraiment.

Parfois, j’écoute de la musique quand j’écris. Parfois non. Parfois, cela peut vous mettre dans l’environnement mental adéquat pour le type de scène que vous décrivez. Mais la plupart du temps, lorsque j’écris, je n’écoute rien. Parfois, j’allume la musique juste pour masquer le son de mon foyer très bruyant.

Je pense que chacun a ses gouts et doit choisir ce qu’il veut écouter ou non pendant sa lecture.

LAM : Qu’êtes-vous entrain d’écrire actuellement ? Est-ce un livre entier ou est-ce juste le premier chapitre ?

HOBB Robin : Je suis entrain de finir un livre qui retourne sur une partie des Aventuriers de la Mer. Chronologiquement, cette partie de l’histoire viendra après tous les autres livres. Mais ce sont des personnages complètement différents. Donc certains lecteurs se diront que ce n’est pas ce qu’ils souhaitaient. Ce n’est pas une suite directe de l’histoire. C’est une autre branche de l’aventure. Mais j’apprécie vraiment de retourner dans ce monde et d’y écrire à nouveau. Et j’espère que les lecteurs apprécieront également !

LAM : Vous utilisez différents pseudonymes quand vous écrivez, utiliserez-vous « Robin HOBB » pour tous vos livres à venir, puisque c’est sans doute le plus connu, ou souhaitez-vous continuer à en utiliser d’autres si vous écrivez d’autres genres d’histoires ?

HOBB Robin : Une des raisons pour adopter de nouveaux pseudonymes, était que je voulais mettre ces livres à part. Ils sont différents des autres livres que j’ai écris précédemment. Quand j’écris en tant que Megan LINDHOLM, je crois que je suis un peu plus sombre et plus cynique ou souvent j’écris des choses plus contemporaines, plus modernes. Donc finalement, il s’agit de deux styles différents d’écritures avec des engagements émotionnels différents. Donc l’histoire que j’écris actuellement est une histoire que je vais écrire en tant que Robin HOBB. Mais j’ai définitivement des idées de livres et d’histoire qui seront pour Megan LINDHOLM. Ils ne me viennent pas comme des livres de Robin HOBB.

LAM : Si vous aviez un jeune auteur à conseiller absolument à un de vos lecteurs, qui serait cet auteur ?

HOBB Robin : Oh… il y en a tant ! Et souvent un auteur qui est nouveau pour moi est en réalité un auteur qui a déjà été publié depuis un certain temps ! Je crois que cela serait le cas avec Brandon SANDERSON qui a récemment terminé sa propre trilogie de livres et qui est également celui qui a été choisi pour finir d’écrire « La Roue du Temps » de Robert JORDAN. Mais je recommande vraiment énormément son propre travail. C’est très captivant, le monde est absolument fascinant, c’est quelque chose qu’à la fois ma fille adolescente et moi, apprécions énormément. Ce qu’elle en dit est que la magie, la façon dont écrit à propos de cela, elle dit : « on a juste le sentiment que c’est vraiment comme cela que ça serait ». Donc, je veux recommander son travail.

LAM : Pouvez-vous nous parler du thème des Utopiales cette année (les réseaux), parce que ce n’est pas exactement la même chose en fantasy même si vous avez des magiciens qui sont inter connectés et qui peuvent se transmettre leur force l’un à l’autre ?

HOBB Robin : Je pense que tout est en réseau et que nous nous influençons tous les uns les autres avec tout ce qui arrive dans notre monde. Il serait difficile pour moi d’imaginer quelque forme d’art existant dans le vide, juste par elle-même. Cela me rappelle en un certain sens le kaléidoscope, le jouet d’enfant avec toutes les petites pièces, et à un moment donné, on a tous la même pièce mais on choisit de remuer le jouet et on regarde de nouveau et chaque modèle est complètement unique. Donc nous faisons tous partis de ce monde en réseaux dans lequel nous avons tous les mêmes pièces mais je pense que c’est important que chaque artiste garde l’habilité de secouer le kaléidoscope et voir son propre modèle.

LAM : Avez-vous quelque mots à ajouter, peut-être quelques mots en français ?

HOBB Robin : Pas en français. Je ne le tenterai même pas. Je pense que l’une des choses les plus merveilleuses que j’ai vu depuis que je suis arrivée ici était sur l’île de Nantes, l’éléphant mécanique géant. Oh, mon dieu ! J’y suis allée et bien sûr il a fallu que je me promène dans l’éléphant et que je regarde toutes les merveilleuses machines qui feront finalement partie du carrousel et de me promener sur le prototype de branche de l’arbre géant. Et j’étais complètement ébahie par cette vision, cette merveilleuse créativité. Je ne comprends pas pourquoi ce n’est pas connu dans le monde entier. Je ne comprends pas pourquoi ce n’est pas beaucoup plus connu que cela. J’ai trouvé cela étonnant et merveilleux. C’est un souvenir que je vais garder pendant très longtemps.